LA CARPE D'OR

Le fils du comte de Ferrette aimait beaucoup se promener du côté de Liebsdorf.


Un jour, au hasard de ses promenades, il aperçoit une jeune bergère dont la beauté frappe son cœur : c'est un coup de foudre immédiat.


Mais le jeune homme, un peu timide, n'ose pas déclarer son amour à sa belle. 

Il la surveille de loin et s'aperçoit qu'elle a pris l'habitude de se reposer sur une pierre plate, toujours la même.


Alors il compose un poème pour exprimer tous les sentiments dont son cœur est rempli, et grave ce poème sur la pierre.

Le lendemain, lorsque la jeune bergère va vers son lieu de repos habituel, elle est tout de suite conquise.


Son soupirant, qui la suit de loin, voit à son attitude que le poème est agréé.

Il s'enhardit, et court vers sa bien-aimée qui ne le repousse point.


C'est le début d'un bel amour... et qui dit amour, dit fiançailles, puis mariage.

Les choses ne sont pas si simples : le jeune homme doit obtenir le consentement du comte de Ferrette, son père.


Lorsque les deux amoureux se présentent devant le comte, celui-ci crie au scandale : Quoi ! Le fils d'un noble, épouser une paysanne !


Il trouve - croit-il - un moyen infaillible de se débarrasser de cette prétendante trop audacieuse : exiger qu'elle démontre sa valeur en accomplissant une chose extraordinaire.


- Si tu veux être jugée digne d'épouser mon fils, jeune bergère, réalise donc un exploit qui me surprendra !


- Seigneur comte, je vous propose de goûter à mes célèbres poissons d'or. Vous verrez, leur goût est incomparable !


- Soit ! J'accepte !

La jeune fille s'en va pêcher des carpes qu'elle fait ensuite frire dans de l'huile. Les poissons prennent une belle teinte dorée. La cuisinière les accomode ensuite avec une sauce de sa façon, puis présente son plat au comte de Ferrette.


C'est un régal !


Après s'être resservi trois fois, le comte accepte bien volontiers d'annoncer les fiançailles de son fils avec l'élue de son cœur.

Il fera même construire un château spécialement destiné aux deux amoureux, sur la pierre témoin de leur idylle. L'endroit est connu sous le nom de Liebenstein, qui signifie "Pierre de l'amour."


Telle est l'origine de la spécialité de la région du Sundgau : la carpe frite.


Est-ce un hasard si les armoiries des comtes de Ferrette représentent deux poissons dorés ?