Quand le soleil éteint ses feux,
Paraît un imposant cyclope.
Toisant la Terre, il l'enveloppe
Dans les plis de son manteau bleu.
Luisant comme un écu d'argent
Sur un écrin de velours sombre,
Son oeil unique perce l'ombre,
Suivant les pas de tout vivant.
Son nom est Nuit, son oeil est Lune.
Que vois-tu, blanche sentinelle,
Que reflète donc ta prunelle,
Et de qui vois-tu la fortune ?
Tantôt claire, tantôt voilée
Par l'épais rideau des nuages,
Que guettes-tu donc au passage,
Phare de la mer étoilée ?
De tous temps bardes et conteurs
T'ont attribué maints pouvoirs.
Tu présides aux conseils noirs
Où rient les sorcières en choeur.
Tu influences les humains,
Changeant leur humeur peu ou prou.
Tu réveilles les loups-garous,
Dis au devin ce qu'est demain.
Aux amoureux et aux poètes
Tu inspires les plus beaux rêves.
C'est toi qui fais monter la sève
Des plantes aux vertus secrètes.
Puis revient l'aube, et ta lueur
Pâlit, s'efface peu à peu.
La nuit replie son manteau bleu;
S'ouvre un autre oeil, plein de chaleur.